Ça fait quoi d’être noire – audio retranscrit

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Note : J’ai enregistré cet audio comme partie d’un podcast que j’ai n’ai finalement jamais lancé. J’y décris très factuellement ce que je ressens comme personne noire, explorant plusieurs aspects, notamment en rapport à la réussite financière, à la sexualité. C’est un simple témoignage de mon expérience, en espérant qu’il vous éclaire, d’une façon ou d’une autre 🙂

Retranscription de l’audio

(ceci est une retranscription mot à mot qui ne peut être considéré-e comme étant le contenu original)

J’étais partie sur raconter la deuxième partie de mon histoire, mais il s’est passé quelque chose. J’habite en ce moment dans le cinquième à Paris, et si tu connais un peu Paris, le 5ème c’est un peu cher comme quartier. C’est sympa avec Saint-Michel, les quais etc. La rue où j’habite, c’est la même rue que celle où j’habitais quand j’ai commencé ma vie étudiante. J’ai fait une année de prépa dans un grand lycée parisien, sur la même rue, du coup, mon cerveau a du faire une connexion intéressante : peut-être que c’est intéressant de faire un podcast sur ce que ça fait d’être noire — je suis noire au cas où tu savais pas. La majorité des personnes qui me suivent sont des femmes, souvent blanches. Je pensais que ça pouvait être intéressante que pour des gens qui ne sont pas noirs de voir ce que ça fait que de l’être. Je ne sais pas si c’est réaliste comme approche, je ne sais pas si ça sert à quelque chose, mais j’ai juste envie de raconter ce que ça fait que d’être noire !

J’ai eu l’idée parce que j’ai réalisé très tard que j’étais noire. 

J’ai grandit en Guadeloupe, dans les Antilles. La plupart des gens autour de moi étaient noir.e.s. Je n’ai donc pas connu le même genre de discrimination que les gens qui ont vécus à Paris, en Europe ou en Angleterre. Quand tu es noir.e aux Antilles, tu fais partie de la majorité et non de la minorité. Il y a d’autres aspects au fait d’être noir. Je vais voir si par le fil de mon histoire de vie si j’arrive à dérouler ce que ça fait que d’être noire. J’ai pas la prétention de dire que ce podcast va être woke et conscient, je vais juste expliquer ce que ça fait que d’être noire.

Quand tu grandis dans un pays où la majorité des gens sont noirs, tu ne vis pas dans la même dynamique qu’on peut avoir quand on a grandit en ile de France par exemple. Toutefois, la question de la couleur est présente : on peut souffrir d’autre aspect de racisme qui est le colorisme. On va considérer que plus tu es clair.e plus tu es beau. Les personnes très foncé de peau pouvaient être mal vu ; les personnes très clair.e.s étaient vues favorablement. Quand tu étais claire aux cheveux bouclés, tu étais la reine du lycée ; quand tu étais plus foncé aux cheveux bien crépus, on ne te regardait pas. Je suis plutôt entre les deux pour ma part : j’ai une peau marron ; mes cheveux sont entre le crépu et le bouclé. Mes copines étaient métisses ou claire de peau et beaucoup d’attention était donné à ces filles là. 

L’autre aspect d’être noir.e aux Antilles est que les blancs étaient riches et nous on était pas riches. On va résumer comme ça. Aux Antilles les restes du colonialismes sont fortement présent. Aux Antilles, les ancêtres des colons qu’on appellera les békés sont ceux qui ont les rênes du capital économique. Des personnes qui venaient de métropole investissaient en Guadeloupe. Nous, on est une classe sociale moyenne/bas de la moyenne, mais tous nos amis riches étaient blancs. Dans ta tête en grandissant, les blancs étaient riches ; les noirs étaient pauvres. J’ai réalisé ça il y a peu de temps, car je faisais un exercice sur mon rapport à l’argent.

Je creusais, regardais mon enfance et j’ai vu apparaitre ce schéma entre blanc-riche/noir-pauvre. C’est un schéma assez dur à dépasser tout de même. Tu te rends compte ? La couleur de ta peau t’empêche d’être riche ! Mon psyché a intériorisé ça quoi, tu imagines ?

J’avais pas la conscience que j’étais noir.e par rapport au fait d’être blanc. Tu n’es pas choquée dans tes yeux par quelqu’un de différent, car on est habitué à voir une diversité de couleur par le cosmopolitisme présent aux Antilles. Du coup, tu as ta place qu’importe la couleur de ta peau.

Ceci dit, arrivée à Paris, quand je suis arrivée dans cette rue, j’étais pas trop au courant que j’étais noir.e. Je n’avais pas cette notion de différence sociale. On était des gens quoi. J’arrive en prépa, et on m’a posée des questions du genre ‘est-ce qu’il y a la télé chez toi ?’ Pourquoi n’aurait-il pas la télé chez moi ? ‘Vous parlez quelle langue en Guadeloupe ?’ — euh, français, … Inculte ? — Je n’étais donc pas comme les autres, mais ce n’était pas dû à la couleur de la peau. Il y avait un autre noir dans la classe, qui venait du Sénégal, et on a réalisé, oui, qu’on était les seuls noirs. Mais j’avais la notion de venir de loin : je voyais le fait que ma maison était loin et que la leur n’était pas loin. Ils pouvaient rentrer chez eux le weekend, pas moi. Quand tu es ultra-marins qui s’installe en métropole, tu fait un changement de dingue. Surtout moi, qui venait de Bouillante venue s’installer à Paris dans le 5ème. Je savais pas que c’était un bon quartier à l’époque. Ma première année était assez déprimante et froide pour moi. J’avais pas grandis pareil, ma famille était loin, mais ma couleur de peau n’était encore un sujet de conversation posé sur la table.

J’ai ensuite laissé tomber la prépa et j’ai fait cinq ans à Dauphine. C’était un très bonne école, mais là-bas, je n’ai pas réalisé que j’étais noire, j’ai réalisé que j’étais … PAUVRE ! — Il y avait des gens très riche dans ma fac. J’avais des copines aux montres Chanel, sac Vuitton, elles allaient diner dans des endroits inaccessibles pour moi, elles prenaient des café place des Ternes, une avait son appart de 50m2 dans le 16ème avec femme de ménage. Et réalisation : j’ai pas d’argent moi !!! À Dauphine, j’ai quand même rejoint une association où tous les gens qui n’étaient pas blancs se rejoignaient. J’ai alors senti une appartenance à un groupe, mais qui ne nous regroupait pas selon notre couleur de peau, mais par la distance qui nous séparait de notre source, car il y avait aussi des amis blancs dans cette asso. C’est pas pareil de vivre à Paris quand ta famille est des milliers de kilomètres vs. quand ta famille est à distance de RER. 

On a créé une communauté d’appartenance, d’amis venant d’un peu partout et ça fait du bien. 

J’adore raconter ma vie, elle est trop intéressante. Je n’ai aucune modestie. J’en avais beaucoup avant, plus maintenant. J’ai beaucoup d’humilité dans la reconnaissance du fait que je ne sais pas tout faire.

J’arrive à Londres, je commence à travailler et là j’ai compris que j’étais noir.e. Quand tu rentres dans une salle de réunion et là tu vois que des hommes blancs, tu te rends compte que tu n’es pas comme eux. J’ai alors commencé à me sentir différente. Quand j’allais dans des restaurants où j’étais la seule noire du groupe, je me sentais pas à l’aise ou en danger. Je n’étais pas comme eux. On était toute en tailleur et pimpantes, et moi avec mes grosses fesses ça ne passait pas tout le temps, alors que mes copines étaient toutes élancées et avec les cheveux flottants dans le vent.

J’ai arrêté de me défriser les cheveux une fois arrivée à Londres. J’ai donc lissé mes cheveux. On ne se coiffait pas pareil, on ne s’habillait pas pareil. Je me sentais pas à l’aise dans une salle avec plein de blancs. C’était juste étrange. Au top de la boite il y avait peu de noir.e.s. Une fois qu’ils arrivaient en haut de la boite, en tant qu’associés, c’était un événement. Et là je parle des hommes, car les femmes étaient absentes de cette strate. À la base de l’entreprise, il y avait certainement 5 femmes pour 50 gars, alors en plus en mettre une noire. Il devait y avoir deux hommes noirs associés je pense. 

J’ai donc réalisé à ce moment là que j’étais noire. J’ai commencé à comprendre qu’on était pas pareils. J’ai pas été confrontée au racisme directement à cette période, c’est après (ou bien je ne l’ai pas vu ou n’ai pas voulu le voir). C’est en devenant entrepreneure que ça évoluait. Le fait que j’étais noire je l’avais intégré, mais certains évènements m’ont fait comprendre que le fait que j’étais noire était plus ancré qu’avant. J’ai jamais été aussi noire que maintenant dans ma tête.

Ma coloc était raciste quand je travaillais. On était allé à un diner de remise d’award sur la diversité au sein d’une entreprise, et je lui disais que je trouvais ça bien que ce soit reconnu. Et elle me dit ‘moi je comprends pas pourquoi les sociétés en font tout en plat sur la diversité, il n’y a pas déjà assez de noirs en Angleterre ? En plus ils font plein d’enfants …’. Je lui ai dit que c’était faux. Il n’y a pas des noirs partout en Angleterre, on est à Londres, il y a des noirs dans les endroits aux classes sociales très basses, mais pas à ton bureau, pas aux postes à grandes responsabilités. Je suis la seule noire que tu connais, il n’y a pas de noir partout. 

Je prends le temps de lui expliquer que la diversité est importante de fait que d’autres personnes se sentent motivés. Et quelle statistique tu me donnes pour dire que les noirs font plein d’enfants ? En diversité on t’explique que les noirs très éduqués ne trouvent pas leur place dans les sociétés ou entreprises comme nous.

Elle me dit que les noirs comme moi ça va. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Que les noirs éduqués ça passe mais les autres quoi ? Bref, je me suis emportée. J’ai eu d’autres micros moments de racisme, difficiles à vivre. Je ne suis pas en conflit avec les gens, et je pars dans le principe que les gens sont gentils. À chaque fois ça me fait une grosse claque que les gens voient que mon visage. 

Par exemple, une fois j’avais loué un Airbnb à Vincennes, proche de Paris. J’étais avec mes frères, deux grands noirs. Le Airbnb je le paye plusieurs milliers d’euros cash pour rester plusieurs semaines. Déjà la proprio était bizarre, mais le pire était quand on a voulu faire des captures vidéos dans le jardin. Là, une dame nous fixe comme un chouette, droit dans les yeux. J’ai senti qu’on était mal à l’aise. La dame a couru pour fermer la barrière du jardin pour qu’on ne puisse pas aller dans leur jardin. J’étais très énervée !

Je fais mon post, sur Facebook pour en parler, et là quelqu’un commente ‘non, mais faut comprendre que les gens se sentent menacés’. Ils se sentent menacés de quoi ?! Si tu commences à avoir peur de toute personne qui ne te ressemble pas c’est du totalitarisme (xénophobie non ?).

L’autre expérience était à Hawaii. Tu te rends pas compte en tant que noir que tu l’es. Moi, dans mon corps je ne suis pas consciente que je ne suis pas pareille qu’eux. Il y a donc cette nana qui nous voit arriver, avec ma copine qui est blanche. Très gentille, elle nous propose de venir prendre le wifi chez elle. Puis son discours change dès qu’elle me voit. On dirait qu’elle a vu un fantôme. Elle devient chelou. Ma copine demande une fois de plus pour le wifi, elle nous dit que finalement ça ne sera pas possible. Elle était hyper bizarre, mal à l’aise. Je me suis sentie très mal.

Comme si j’étais vraiment pas à ma place. Je me suis senti rejetée. 

Je lui ai dit qu’on passerait une nuit, mais que si le lendemain je ne me sentais pas bien, on partirait. Je lui ai dit le lendemain qu’on s’en va. On trouve un autre Airbnb, et dans la voiture on se rend compte qu’elle était raciste. Ma pote était énervée et moi triste. Je lui ai fait peur. J’espère que vous n’êtes pas mal à l’aise avec le fait qu’il y a des couleurs et qu’il faut les voir, car il y a autour des vous des personnes qui ne sont pas blanches et qui le vivent au quotidien.

Après un événement en Guadeloupe assez haut en énergie, je rentre dans mon Airbnb en Guadeloupe. J’arrive et le mec nous dit ‘ah je croyais que vous étiez anglais’. On discutait avec quelques amies sur la terrasse, nous étions cinq. Pour lui on faisait trop de bruit, on était irrespectueuses, il nous a éteint la lumière dessus. Là je me suis levée, et j’ai gueulé. On est tes clients, comment tu nous traites ?! Au final, ce qu’on a compris qu’un groupe de nana noires qui s’amuse, c’est menaçant. Et ça partout ! — Finalement il a écrit sur Airbnb qu’on était quinze alors qu’on était six, il a écrit des choses horribles. Ma mère le connaissait et nous a dit que c’était un gros raciste. J’ai donc connu ce que ça faisait que d’être discriminé par rapport à ma couleur de peau. 

À Londres, j’étais dans le quartier le plus cher, le plus blanc, et en allant au restaurant on se rend compte qu’on est les seuls noirs. Je ne m’y sentais pas mal à l’aise, je pensais juste qu’il fallait des noirs dans ces quartiers et que c’était nous. Au fil des années je suis devenue une personnalité anti-raciste, notamment grâce à Instagram. Sur Instagram j’ai commencé à suivre des comptes qui parlait de racisme et de sa sociologie de manière intelligente. J’ai pu comprendre que c’était quelque chose au niveau sociétal. C’est donc dangereux d’être noir dans ce monde. J’ai beaucoup de chance d’avoir une communauté qui me suive qui est hyper ouverte. C’est donc important d’utiliser ma voix pour partager sur ces sujets là. J’étais noire, c’est une information, et je n’en faisais pas tout un cas dans ma vie. J’ai ensuite compris que c’était important pour moi d’en parler, et pas que pour moi mais pour tout ceux qui n’ont pas de voix. Car moi je suis privilégiée, ma communauté est grosse et m’écoute. Beaucoup de gens qui ne sont pas moi n’ont peut être pas la voix où l’espace pour ça. 

L’aspect d’être noire dans la sexualité est aussi très important. J’ai déjà couché avec des gens de différentes ethnies, et j’ai vécu ce truc des gens qui couchent avec des noir.e.s pour voir ce que ça fait. C’est très chelou. Il y a l’idée du black fucker, avec un cliché que les femmes noires sont plus chaudes que les femmes blanches, surtout sachant les traumatismes que l’on porte au fond de nous par les relents de l’esclavagisme. C’est une supposition qui vient du colonialisme où les femmes noires, aux Antilles, étaient violées sans consentement, elles faisaient des bébés qui pouvaient être enlevés. L’instrumentalisation du corps noir était donc très présent. 

De nos jours dans la sexualité, ça se ressent. Je suis une femme noire aux grosses fesses, et la plupart du temps, tu ressens des choses dans leur attitudes qu’il y a de actes racistes. On m’a part exemple demandé si ça m’excitait de coucher avec un blanc parce qu’il y avait un rapport de domination. On me l’avait jamais encore faite celle là ! Le rapport de couleur dans la domination sexuelle ? Next ! — en tant que noir.e, on est hypersexualisé. Quand tu as un peu de formes, on te sexualise direct. Pour les hommes, tu vas tout de suite penser que le corps de l’homme baraqué a un gros pénis par exemple. On amalgame facilement.

C’est important aujourd’hui pour moi d’être noire. C’est devenu un point très important de ma réalité. Tous les noirs ne sont pas engagés, militants et ne leur demandez pas de l’être. Certains souhaitent s’engager comme moi pour faire avancer les choses, d’autres souhaitent juste qu’on leur foute la paix. Car on est juste noirs, et c’est la moindre des choses que de le vouloir. On nous demande souvent de justifier nos traumas en tant que noir et c’est très fatiguant. Certaines parties des minorités souhaitent juste qu’on les laisse tranquille, et veulent vivre comme les autres. Moi j’ai choisis d’utiliser ma plateforme pour en parler, mais ce n’est pas le cas de tous. 

Qu’est-ce que ça fait d’être noire : Je suis fier d’être noire, mais j’associe le fait d’être noire à quelque chose de positif. Avant, le fait que mes cheveux était dans un état bordélique ou quoi était quelque chose qui m’apportait de la négativité dans le fait d’être noire. Aujourd’hui, je choisis que c’est mon identité et je l’adore. J’ai des ancêtres noirs qui ont eu des histoires difficiles. Ils étaient esclaves, violés, colons, maitres, indiens. Je fais de mon mieux pour que mes ancêtres soient fiers de moi. J’aurai aussi des enfants, et mon rôle est de les aider à naviguer de la monde en tant que tels. J’ai une trentaine d’années, et il y a beaucoup de choses que je fais en tant que femme noire qui n’est pas commun. Je suis déjà passé sur différentes émissions télé, dont une sur l’argent qui a été très controversée. Gagner de l’argent avec joie et amour est très simple pour moi. J’ai une communauté très mixte : ma communauté n’est pas noire. J’ai un discours très universel, mais c’est un exemple de montrer qu’on est noir et leader de beaucoup de choses différentes. Il faut donc montrer que c’est possible d’écrire des bouquins. D’être une femme antillaise qui fait de la littérature érotique. Je veux gagner des millions. Je veux aussi créer un schéma de couple différent de celui que j’ai pu connaitre. 

Cette notion d’exemple est très importante dans ma vie et est exacerbée. J’ai des frères, gays, trans et noirs, c’est un autre schéma encore plus dur. Je m’éduque encore sur le vocabulaire à utiliser si jamais je fais des maladresses. Commentez, partagez, taggez moi. Je suis ravie d’avoir parlé de ça avec vous. 

vague-tiret

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Je suis Lyvia Cairo

Écrivain, coach en relations et en sexualité, spécialisée en soin des traumas.
Et je suis là pour t'aider à te sentir beaucoup mieux dans ta vie.