Une vie sans lundi #95 – On est en vie les gars !
(Oui, je me suis découvert une passion pour les animaux à lunettes. Oui, j’assume)
Nous sommes dimanche soir quand je commence l’écriture de cet article – Eh oui, une fois n’est pas coutume.
Pendant une bonne partie de cette journée, je me suis demandée : que vais-je leur écrire lundi ? La plupart de mon métier consiste à trouver les mots…mais c’est plus facile certains jours que d’autres.
Vendredi soir, je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai été bouche bée pendant plusieurs minutes, jusqu’à pousser un cri d’effroi et à éclater en larmes sur mon téléphone. J’avais envie que ce soit faux. – Non, arrête, arrête, pas encore une fois.
Je n’ai pas de télé (en fait j’ai découvert que si, mais seulement après) et internet était en retard. Je comptais sur mes amis et ma famille pour me tenir au courant. Non, non, non. Je veux pas. Je relaie quelques infos sur Facebook, Twitter. Je ne sais pas quoi faire d’autre.
A deux heures du matin, on a finalement réussi à dormir. La chance qu’on avait, je sais.
Le samedi matin, on essaie de comprendre. Que s’est-il passé ? Pourquoi ? Comment ? Oh mon Dieu. Chaque nouvelle info, découverte, chiffre me glace le sang.
Alors j’écris, d’abord un mot à mes communautés sur Facebook (la page, le groupe), puis toute seule sur mon clavier. J’écris une prière, moi qui ai déserté la messe du dimanche depuis belle lurette. Et je me dis que même si toute ma communauté n’est pas croyante, je m’en fous. Je ne veux pas garder ma prière pour moi, alors je la poste. Seigneur, donne-nous force et courage.
On devait sortir avec des amis le soir. A Bastille. On se dit qu’on y va quand même, qu’on doit continuer de vivre, mais j’éclate en larmes. Bastille, c’est près de Charonne, Charonne, c’était ma maison il y a seulement quelques mois. C’est là où j’ai encore ma banque, le salon où je me fais les ongles. Là où on a nos restos préférés. Ça aurait pu être nous, ça aurait pu être nous, je répète en tremblant.
On sort marcher dehors, et il y a des gens. Des êtres humains, comme nous. Ils marchent plus doucement que d’habitude. Il n’est même pas 19 heures quand on va dîner. Le resto se remplit vite. On sent la vie autour de nous. C’est bien, ça réconforte, c’est rassurant.
Et puis dimanche, c’est le jour d’après le jour d’après. On ne regarde plus de news sensationnelles. On regarde des reportages, des analyses. Ca rassure pas, loin de là, mais ça fait un peu s’effacer l’incompréhension totale de la veille.
On entend des témoignages qui nous font trembler. J’ai envie de prendre dans mes bras les gens qui sont dans la télé, qui ont vu ça. Qui étaient là. J’ai envie de prendre dans mes bras à travers l’écran les familles qui ont perdu un frère, une soeur, un papa, une maman. Je suis tellement, tellement désolée pour vous. Je pleure pour vous.
Et puis à la télé, on nous dit que c’est que le début, que ça peut recommencer. Que ça va recommencer. Qu’on doit s’habituer à être en danger. Ah bon ? Quoi ? Excuse-moi ??
Et je prends un moment pour respirer : accepter que mon pays, ma ville, ne sont pas protégés. Ce n’est pas le havre de paix que je croyais. Mince, je sais pas comment je vais faire pour vivre avec ça, mais ai-je vraiment le choix ?
Il ne faut pas céder à la peur, qu’ils disent, continuer de vivre, qu’ils disent. Oui, oui, d’accord.
Et puis, une phrase qui reste : attention, le pire qui puisse arriver, c’est que nous ayons peur les uns des autres. Que nous blâmions les uns les autres. Que nous oublions qui nous étions avant. Et là j’admets qu’ils ont raison, et que ça peut arriver.
Nous avons chacun la responsabilité de comment on choisit de vivre dans notre pays. Dans l’amour, la paix, la compassion, que dit le type. Je hoche la tête. Oui.
On a éteint la télé et on est sortis courir. J’ai repris depuis peu, et mes poumons me brûlent encore au bout de cinq minutes. On descend la rue vers le parc. Le soleil brille, et une d0uce brise me carresse le visage. Il y a des gens dehors. Ils marchent moins lentement que la veille. On est pas les seuls à courir. Les autres qui nous croisent nous font des sourires.
Et arrivée au Parc, je m’arrête net : Oh mon Dieu, tellement plus de monde que dimanche dernier ! Mais c’est hallucinant ! Des gens assis sur la pelouse, des petits en trotinette, un père et sa fille qui jouent au tennis en utilisant une barrière comme filet. Je cours avec un grand sourire sur les lèvres, j’ai l’air idiote, je sais.
Je vois sur leurs visages qu’ils n’ont pas oublié ce qui s’est passé, mais que le soleil était trop beau à résister.
J’ai fait une pause pour faire mon premier Periscope
Je me suis rendue compte que la télé ne nous montrait pas la vraie vie !
On est en vie les gars !
On est en vie !
On a perdu des frères, et des soeurs, et on a mal. On sait que ça se passe dans d’autres pays aussi. On ne sait pas trop qui est responsable, qui aurait dû faire, ou ne pas faire. On sait qu’on n’y peut pas grand chose. On a peur, c’est clair. On est en colère, et on sait pas quoi faire.
Mais on est en vie les gars !
Je sais que pour certains d’entre nous, c’est trop tôt pour lire ça. Quand Samedi certains postaient que cette tragédie nous permettait de réfléchir à notre propre vie, à ce qu’il y avait de beau dedans, j’avais envie de répondre : “laisse-moi tranquille, laisse-moi me prostrer sur mon canapé”. Alors peut-être que c’est trop tôt pour toi, mais sache que quand tu reviendras, ce message sera là.
On est en vie les gars.
Et tant qu’on est en vie, alors on peut vivre. On peut vivre pour de vrai. On peut danser, sauter, chanter, faire des bébés, crier, se bourrer la gueule, embrasser des filles et des garçons. On peut le faire. On peut voyager, rouler en Ferrari, on peut chanter sur scène, rencontrer nos idôles.
Je vais paraphraser Maya Angelou en modifiant le début de sa citation :
On est en vie, alors pourquoi ne pas tout faire ?
Je vous aime. Je vous aime de sortir dans les bars, dans les parcs, de jouer avec vos enfants. Je vous aime de dire que la haine n’est pas la réponse à la haine. Je vous aime d’écrire que vous continuerez à vivre, d’écrire carpe diem.
La dernière fois que c’est arrivé, ça m’a mis plus de temps à aller mieux. Mais là ils nous demandent de nous habituer à ce qui s’est passé. Du coup, ok, je vais m’habituer à me rappeller que je suis en vie, et que c’est génial.
Parce que oui, on a mal et ça c’est normal. Mais on est en vie, et ça c’est génial. Et je suis autorisée à faire des rimes à deux balles 🙂
De l’amour, de la force, du courage et de la paix pour vous tous.
J’ai écouté ça en courant aujourd’hui – c’est approprié non ?
Now that it’s raining more than ever
Know that we’ll still have each other
You can stand under my umbrella
You can stand under my umbrella
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Je suis Lyvia Cairo
Écrivain, coach en relations et en sexualité, spécialisée en soin des traumas.
Et je suis là pour t'aider à te sentir beaucoup mieux dans ta vie.