27 mai – Impossible pour nous d’oublier

Je suis en train d’écouter l’album de Solange. 

Je me rappelle de ce jour oú, en concert au Portugal, elle est descendue dans la foule et a embrassé les noirs aux premiers rangs sur la chanson “F.U.B.U.” (For us By Us). Une part de moi s’est dite : wow, je me sens tellement valorisée. Et l’autre part s’est dite : mais… les blancs vont se sentir délaissés. Tellement à dire sur ce simple sentiment d’être né dans un corps dont la couleur n’est que rarement privilégiée.

Aujourd’hui, le 27 mai nous commémorons l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe. Je suis née et j’ai grandi en Guadeloupe, et même si j’ai quitté l’île il y a plus d’une décennie maintenant, son attache et son appel sont forts. C’est l’île de ma maman. C’est l’île de ma grand-mère. C’est l’île de mon arrière-grand-mère. C’est l’endroit qui pour moi est ‘la maison’. Bouillante City, encore et toujours.

Alors que nous commémorons la libération des esclaves, que nous nous rappelons ceux qui sont morts sous les coups de fouets, les personnes torturées, les enfants arrachés à  leurs parents, les hommes pendus pour donner l’exemple et ceux mangés par les chiens, j’entends déjà, au loin les voix qui disent : mais c’était il ya longtemps l’esclavage, passons à autre chose.

Les larmes dans mes yeux disent le contraire. Le sentiment de peine, de violence, d’injustice, de douleur est bel et bien présent. J’ai mal. Ce sentiment ne vaut-il rien ?

Aujourd’hui l’esclavage qui a eu lieu il y’a des centaines d’années et qui a duré des centaines d’années a bel et bien un impact sur mon quotidien.

  • je ne connais pas mes ancêtres. Et je ne saurai probablement jamais d’où ils viennent. Dans la traversée de l’océan, j’ai perdu mes rites, mes rituels, mes dieux et déesses qui auraient pu être d’un tel réconfort aujourd’hui, et à la place on m’a donné le Dieu du colon, celui même qui nous a tué et torturé. Comment voulez-vous que j’adhère à ces croyances-là ?Alors j’ai créé mes propres idées, ma propre mythologie, ma propre déesse noire avec son gros afro, en attendant que peu à peu les bouts de mon histoire soit rassemblés.
  • je sens mon corps colonisé. Je sens des peurs et des blocages et des croyances qui viennent d’un autre temps. Je sens mon corps démesurément sexualisé. La femme noire qui n’est bonne qu’à coucher, qui n’est bonne qu’à obéir et dont le corps, l’âme, l’esprit ont été humiliés et violés. Chaque jour je défais des nouveaux noeuds et des nouvelles croyances et j’ai la rage d’avoir à faire ce travail là. Mais si je veux laisser derrière moi un chemin différent, pour les enfants qui viendront après moi, alors c’est un travail que je choisis de faire, la décolonisation de mon corps.
  • J’ai peur pour les hommes de ma famille. Certains qui n’ont même pas l’âge de voter, j’ai peur quand ils sortent et qu’ils reviennent après s’être fait contrôler par la police, avec tant de scénarios dans mon esprit de tout ce qui pourrait mal se passer. J’ai peur et ce sentiment est vrai. Et quand je vois un policier en France, je passe mon chemin. La France n’aime pas quand on lui dit ça mais c’est vrai. On est rapidement insultés pour ressentir ce que l’on ressent. Et encore une fois voici une conséquence vraie d’être née dans un corps noir : c’est dérangeant de nous écouter.

La liste pourrait continuer, encore et encore. Et chaque jour, une nouvelle aberration, une nouvelle annonce dans les journaux fait remonter cette rage et cette colère.

Il y’a quelques années, pas tant que ça à l’échelle de l’humanité, des hommes blancs ont décidé que les corps noirs n’étaient bons qu’à travailler. Dans un calcul économique très savant, ils ont réalisé que les marges de profit augmenteraient largement si la main d’œuvre était…gratuite. Quelle pensée révolutionnaire ! On ne paye pas les animaux de labeur, alors nous n’avons qu’à créer une idéologie oú les hommes sont des animaux, et voilà, la question économique est réglée.

Ne pas valoriser le corps des autres.

Leur travail, leur contribution, leur apport aussi en âme, en énergie, et en connaissance. 

Faire passer le profit et le capitalisme avant tout. Avant l’art, avant l’humain.

S’appuyer sur leurs corps jusqu’à les briser et les jeter de côté une fois qu’ils ne servent plus. 

Priver un grand ensemble de personnes de ressources économiques pour le gain d’un petit groupe.

Oublier toute redistribution. 

Et laver le cerveau de milliers pendant des années pour leur faire croire que c’est ainsi que la Terre doit tourner.

Ça vous rappelle des choses qui se passent encore aujourd’hui ?

Parce que moi oui.

Décolonisons nos corps.

Décolonisons nos esprits.

Soyons très au clair sur les croyances et idéologies qui y ont été infiltrés par quelques uns qui veulent le pouvoir et qui veulent nous garder à terre.

27 mai.

C’est impossible pour nous d’oublier.

vague-tiret

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